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ESTIMATION: 6000 / 8000 €

GAINSBOURG, Serge. [Chaussures noires et pompes funèbres]. Manuscrit autographe. S.l.n.d. 5 pp. in-4. Encre noire sur papier filigrané « Parcheminé Guérimand Voiron». Nombreuses ratures, ajouts et corrections. Perforations de classeurs.

Rare scénario de court-métrage écrit par Serge Gainsbourg, intitulé « Chaussures noires et pompes funèbres ».

TRES BEAU ET GRAND MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE GAINSBOURG, ABONDAMMENT CORRIGÉ.

EXCEPTIONNELLE VISION DE GAINSBOURG, POUR LE CINEMA.

Transcription (sans les passages biffés) : « Du temps de Bruand de Paul Eluard *orgue de barbarie – gravures 1900* on imagine volontiers ou du moins on se complaît à s’imaginer que l’élaboration d’une chanson se faisait dans le recueillement et un climat poétique, le silence profond, quelque salon obscur que ne dérangeait que le pas d’un cheval de fiacre ou le cri d’un marchand ambulant.
De nos jours rock and roll – commentaire hurlé pour couvrir le rock – il en va tout autrement.
Ambiance de rue, embouteillage. Maison de disques.
Le compositeur d’aujourd’hui pour peu qu’il soit d’un tempérament plus ou moins poétique a du mal à se faire entendre. Bureau directorial. Et s’il arrive à placer un mot encore faut-il que sa chanson soit acceptée. Chaussures noires et quoi ! – timidement – pompes funèbres.
Retéléphone. Disques.
…L’enterrement de première classe… mais personne n’en voudra mon vieux! Chaussures noires et quoi ! Pompes funèbres. C’est tout ce que vous m’apportez … musique… Tenez écoutez ça. Ça je comprends … et ne revenez qu’avec une … et après demain on enregistre. Il marche dans la rue, déchire son manuscrit et le jette dans le ruisseau. Rentre chez lui – une échelle dans l’entrée – et se met à son piano. Rock radio – ferme la fenêtre – décroche téléphone – notre compositeur au travail ». Photos romain. Va chercher un verre … ou presque.
« Il a oublié qu’il n’était pas seul aujourd’hui. Il a les peintres. Les peintres avec leur [sic] gamelles reviens avec son verre. Papier musique. Se remet au piano. Dessine, clé de sol. Le peintre avec l’échelle. Gravure anglaise brisée. Excédé désigne un échantillon de papier au hasart [sic] et sort la gravure sous le bras.
Plan Paris encadreur ferme.
Plan affiche chevaux « les misfits ».
Au bistro, guéndon avec la gravure. On approche il est en train de dessiner un cavalier et une fille sur papier à musique. Clodo avec banjo. Lui paye un verre. Emprunte le banjo. 4 premières
mesures de la chanson. Et l’écrit. Snack. Machine à sous. Des jeunes en blue jeans. Un juke box
hurle (guitares) Screamin Jay Hawkins. Il écrit sur la nappe où sont tracées des portées « Dans cette vallée de larmes qu’est l’amour je suis le cavalier ». Dessine le portrait d’une fille. Bar jazz. La fille du portrait me sourit. Gogo trio jazz. Je vais le trouver, je me mets au piano et chante le debut. Le lendemain. Bordel des peintres (absents). Signes de travail nocturne. Tartilions. Réveillé par le téléphone.
Dans un fauteuil. Ouvre les rideaux.
Directeur artistique : « alors où en êtes-vous ?
– J’ai fini
– Le titre.
– Le cavalier…. du clair de lune ».
– Formidable ! On enregistre demain. Et raccroche, ramasse ses papiers et sort.
En bagnole avec gogo. Magazin piano. Je décroche une guitare. Gogopiano. Silence. Séance d’enregistrement. Isabelle Aubrey (sic). Très romantique. Commentaire. El golfe Drouot. Long
Cris et ses Dalton. Délire total déchaînement. Danseurs. Je sors un papier à musique en douce et j’écris chaussures noires et pompes funèbres. FIN. »

Ce court-métrage ne sera jamais tourné. A noter : Gainsbourg écrivit pour Zizi Jeanmaire une chanson éponyme, qu’elle chanta au Casino de Paris, en 1972. C’est elle qui avait conseillé à Gainsbourg de porter ses fameuses Repetto noires.

Bibliographie : Alain-Guy Aknin, Philippe Crocq, Serge Vincendet, Le cinéma de Gainsbourg affirmatif !, 2007, Ed. du Rocher, p. 36-37.